(DOSSIER SPÉCIAL) L’hypnose et la fibromyalgie : le rôle clé de l’infirmière.

Dans le cas du suivi et du traitement de la fibromyalgie, l’hypnose, bien que le niveau de preuve soit encore faible, permet au sujet de rétablir un schéma corporel souvent défaillant et ainsi d’initier une remise en mouvement profonde qui peut être entretenue grâce à l’autohypnose. Les infirmières ont un rôle clé à jouer dans ce processus, car leur proximité avec les patients leur permet une alliance thérapeutique essentielle en hypnose.

 

Quid de la fibromyalgie

Depuis peu, les neurophysiologistes, grâce aux progrès considérables de l’exploration du cerveau et de son fonctionnement, évoquent  de nouvelles pistes concernant la fibromyalgie. S'appuyer sur l'auto-hypnose pour accompagner la fibromyalgie est une ressources possible pour les patients, aujorud'hui encouragée par les infirmières.

 

La douleur de la fibromyalgie est maintenant rapportée à une sensibilisation du système nerveux central (SSC) : elle reflète une réponse adaptative du système nerveux central à une surcharge nociceptive en termes de plasticité neuronale. L’augmentation de l’excitabilité neuronale, le renforcement de l’efficacité de la transmission synaptique et la levée d’inhibition au sein des circuits nerveux nociceptifs conduisent à un syndrome de sensibilisation altérant la neuromatrix et qui peut persister à long terme. La sensibilisation centrale peut être également produite par une altération cognitivo-émotionnelle (traumatisme) mettant en jeu directement des afférences des cortex préfrontal et cingulaire, de l’amygdale et de l’hypothalamus (réseau du mode par défaut). Par ailleurs, une altération de la sécrétion de dopamine a pu être identifiée dans les ganglions de la base chez certaines patientes souffrant de fibromyalgie en réponse à une stimulation douloureuse. La COMT (catéchol-O-méthyl transférase) qui régule la quantité de dopamine pourrait interagir avec le système opioïde, en modulant la réactivité à un stress douloureux.

Une étiologie étayée par des traces mnésiques douloureuses

On retrouve chez les personnes souffrant de fibromyalgie des trajectoires de vie parsemées d’événements douloureux et traumatiques comme le deuil d’un parent, l’abus sexuel, la maltraitance et les carences parentales. En effet les traces mnésiques laissées par toutes ces séquences génèrent chez le sujet des croyances sur lui même et son entourage qui le poussent vers des répétitions douloureuses. L’ensemble de ces agrégats pathogènes entraîne une hyper activité du nœud amygdalien qui génère une grande instabilité émotionnelle et des perceptions corporelles vécues comme étranges, inexpliquées. Toutes les souffrances non symbolisées puisque non élaborées en lien avec les traumatismes anciens, vont faire retour dans le corps du réel sous forme de douleurs. Ces douleurs vont intervenir dans la vie du sujet comme des répétitions au cours desquelles vont se rejouer les sensations de rejets, d’isolement, d’injustice et de maltraitance.

 

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L’hypnose est actuellement étudiée en raison de l’adéquation de ses cibles neuronales qui recouvrent largement les structures de la pain matrix. Des suggestions proposées après induction hypnotique peuvent significativement améliorer l’expérience subjective de la douleur chez les patients souffrant de fibromyalgie. L’hypnose agit sur les structures impliquées dans le syndrome de sensibilisation centrale en réduisant son inflammation (action au niveau des noyaux amygdaliens sur les cytokines). L’autohypnose est aussi intéressante, permettant au patient une participation active à la thérapeutique. Son effet se maintient sur la douleur, et particulièrement sur les composantes cognitives et affectives de la fibromyalgie : qualité du sommeil, catastrophisme, impression globale de changement.

Remettre le passé dans le passé…

En pratique hypnotique, les intentions vont être de différents ordres.

 

Dans un premier temps, il faudra cibler les séquences traumatiques qui font retour de façon incessantes dans le corps du patient, autrement dit remettre le passé dans le passé. En effet, le traumatisme se signe par un travail de mémorisation qui n’a pas pu aller à son terme et il est donc important de permettre au patient de pouvoir finaliser toutes ces « mémorisations en attentes ».

 

Dans un deuxième temps, il faut accompagner le sujet à replacer son corps dans la bonne temporalité, son horloge biologique doit se recaler pour lui permettre de retrouver son mode de fonctionnement basal.

 

Dans un troisième temps, il convient de transmettre au sujet l’apprentissage de l’autohypnose pour l’aider à conserver cet état basal grâce auquel il peut recontacter ses ressources d’adaptation et d’inhibition.

 

L’hypnose peut donc permettre au sujet de rétablir un schéma corporel souvent défaillant et ainsi d’initier une remise en mouvement profonde qui peut être entretenue grâce à l’autohypnose. Les infirmières ont un rôle clé à jouer dans ce processus, car leur proximité avec les patients leur permet une alliance thérapeutique essentielle en hypnose.

 

Maud GUERIAUX  Hypnothérapeute et Enseignante en hypnose à la Faculté de Médecine de Grenoble

 

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