EMDR: la thérapie oculaire qui apaise l'esprit

 

L'EMDR, cette thérapie consistant à faire effectuer des mouvements oculaires bilatéraux pour "reprogrammer" le mental après un traumatisme, remporte un franc succès depuis quelques années. Comment fonctionne cette méthode et à qui s'adresse-t-elle?

Estelle était victime depuis de longues années de peurs irraisonnées, l'empêchant peu à peu de vivre: "peur d'être abandonnée, de vomir dans le train, etc". "Le déclic s'est fait le jour où j'ai été prise pour ce nouvel emploi qui m'obligeait à prendre le train trois fois par semaine. Je me suis dit qu'il ne serait pas possible de continuer ainsi et j'ai pris rendez-vous avec une psychologue, pour une séance d'EMDR". Bien lui en a pris. Aujourd'hui, même si les peurs n'ont pas toutes disparu, elles se font moins envahissantes.  

 

Déconnecter des souvenirs

Découverte en 1987 par une psychologue américaine, Francine Shapiro, membre du Mental Research Institute de Palo Alto, l'EMDR (Eye movement desentization and reprocessing) consiste à faire effectuer une série de mouvements oculaires à un patient souffrant d'un traumatisme afin de le "déconnecter" de souvenirs envahissants et des émotions négatives qui en résultent. "L'EMDR ne peut ni effacer, ni changer le passé, mais permet qu'il ne fasse plus mal", résume l'association EMDR France sur son site internet. Une technique popularisée en France par le psychiatre David Servan-Schreiber et qui semble faire de plus en plus d'émules. Témoignages et explications de la psychologue Emmanuelle Lacroix. 

 

"L'EMDR est particulièrement indiquée pour les personnes victimes de traumatismes complexes ayant eu lieu durant l'enfance ou de manière répétée, comme des violences conjugales, un inceste ou un viol. Attention, plus cela s'est passé jeune, plus le traitement est long", explique Emmanuelle Lacroix. Cela étant dit, poursuit-elle, l'EMDR fonctionne de manière plus large sur d'autres problèmes moins "graves" mais handicapants, comme une difficulté à parler en public qui trouverait son origine dans une réflexion humiliante d'un parent ou d'un enseignant ou certaines phobies

 

Se débarrasser de représentations négatives 

"Prenons une personne qui arrive avec un trauma 'simple' (à savoir unique), comme un accident de voiture ou une agression qui ne s'est pas répétée dans le temps. Le thérapeute va cibler cet événement et les émotions et sensations corporelles qui en découlent ainsi que la cognition négative associée, autrement dit la représentation intellectuelle que le patient se fait de ce traumatisme: "je suis sale", "je suis responsable", etc. Des pensées dont on sait qu'elles sont fausses, mais auxquelles on croit malgré soi. L'objectif de l'EMDR est de parvenir à inverser cette cognition négative en induisant des pensées contraires: "je suis innocent(e), je suis quelqu'un de bien", etc.  

"Concrètement, explique la psychologue, la thérapie se déroule de la manière suivante: la première séance est consacrée à la prise de contact et au récit de ce qui doit être apaisé. Je demande ensuite au patient de me lister entre deux séances les cinq à dix événements les plus heureux et les plus douloureux de sa vie. Sachant qu'il peut s'agir d'une glace mangée sur la plage enfant avec un grand-parent, comme de son mariage ou d'une naissance ou, dans le registre des souvenirs malheureux, de 'petites' choses, comme des remarques cruelles de camarades au collège ou d'événements bien plus graves." "J'ai notamment travaillé sur ce moment où un garçon m'a demandé pourquoi j'étais si moche", raconte par exemple Estelle. 

 

S'assurer que le patient n'est pas trop fragile

Ensuite, la psychologue demande à son patient d'identifier "un lieu sûr", où il peut se retrouver apaisé, en pensée. "J'ai choisi une prairie en été à Courchevel, témoigne Estelle. Là-bas, je retrouvais mes 'minis moi' à différents âges, celle qui avait été blessée ou triste. Il faut savoir que même si j'ai eu une enfance très heureuse et aimante, ces petites blessures m'empêchaient d'avancer." Parallèlement, le thérapeute "s'assure que le patient peut être entouré et qu'il n'est pas trop fragile pour l'EMDR", précise Emmanuelle Lacroix. "Quelqu'un d'isolé n'est pas un candidat idéal, ni une personne trop fragile", prévient-elle. 

 

Une fois ces vérifications préalables effectuées, l'EMDR à proprement parler entre en scène. "Ma psy me faisait faire desmouvements de gauche à droite avec mes yeux, pour reproduire les mouvements oculaires lors des rêves", se souvient Estelle. "Ce faisant, elle me demandait de noter la souffrance relative à tel ou tel souvenir négatif. Chaque problème était traité jusqu'à ce que je ressente zéro souffrance ou zéro peur". Au fur et à mesure des séances, raconte encore Estelle, "je sentais les vagues de tristesse qui descendaient jusqu'à mes pieds et qui disparaissaient. C'était épuisant. Quand j'étais déjà fragilisée par ma journée, je lui demandais de ne pas en faire. Je devais également ne pas rester seule la nuit suivant la séance. Mais petit à petit, je me suis sentie revivre." 

 

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Des mouvements oculaires ou des petites tapes sur les genoux

Egalement adepte de l'EMDR, Lisa a consulté pour un problème d'émétophobie (peur de vomir ou que les autres vomissent), "incompatible avec trois enfants en bas âge". Elle se souvient avoir "beaucoup pleuré, durant les rendez-vous" d'où elle ressortait "en miettes, avec une grande fatigue". Le rituel différait légèrement de celui décrit par Estelle: "La thérapeute a ciblé la cause de ma phobie. Puis, au lieu d'utiliser un stylo/baton pour le mouvement des yeux, elle tapotait mes genoux en me parlant, et en me faisant revenir des souvenirs cachés." 

 

Au bout de quatre séances, la thérapeute de Lisa lui annonce que c'est suffisant. "Je ne l'ai pas crue", se rappelle la jeune femme. Et pourtant. "Décembre est arrivé, avec ses promesses de gastros. Je n'étais pas à l'aise mais aucune comparaison avec ce que j'avais pu vivre auparavant... Je n'allais pas voir mes enfants en pleine nuit "au cas où", je m'endormais apaisée, et plus à 4h du matin. Je n'étais plus obsédée par cette crainte qu'ils ne vomissent. L'EMDR a changé ma vie", conclut-elle.  

 

Un témoignage qui fait écho à celui de Sandrine. Cette dernière souffrait d'insomnies à répétition dues à la résurgence de problèmes d'enfance: "Le lendemain de la séance, je n'ai plus eu besoin de cachets pour dormir, ni de décontractants." Idem pour Mathias, qui a eu recours à l'EMDR après un vol à l'arraché de téléphone "particulièrement violent", dont le souvenir l'empêchait de reprendre le métro. "Je ne saurais l'expliquer mais le fait est que je ne ressens plus cette terreur désormais. Je me souviens du vol, mais cela ne m'empêche plus de vivre normalement." 

Une thérapie qui a ses détracteurs

Attention toutefois, l'EMDR ne marche pas à tous les coups. Cécile par exemple, qui est allée consulter sur les conseils de son entourage, n'a absolument pas vu sa vie changer après les séances. "J'y suis allée parce qu'après le harcèlement de mon patron, je suis tombée en dépression. Mais cela n'a rien donné. J'ai eu la sensation d'être trompée sur la marchandise, d'être prise pour une oie, à vrai dire. Pour moi, c'est un gadget, quelque chose qui peut éventuellement marcher sur des personnes crédules, mais pas sur moi." Actuellement en analyse, elle rejoint certains psychanalystes qui voient dans cette méthode "une sorte d'hypnose ou de conditionnement, ne réglant pas les problèmes en profondeur". 

 

"Peu de personnes ne sont pas réceptives mais oui cela peut arriver, surtout chez des patients très attachés à la rationalité, reconnaît Emmanuelle Lacroix. Mais, précise-t-elle, j'ai déjà eu des patients qui n'y croyaient pas du tout et qui ont réagi quand même."  

S'assurer que son praticien est sérieux et fiable

Il faut surtout, poursuit la psychologue, "s'ôter de la tête que L'EMDR réglerait tout en quelques séances. Ceux qui font ces promesses ne sont pas sérieux. Déjà, on ne démarre pas la thérapie avant d'avoir une relation sécurisée avec le patient, ce qui peut prendre du temps, parfois trois, quatre ou cinq séances." Ensuite, admet-elle, "cela marche plus vite avec ceux qui ont déjà beaucoup bossé sur eux-mêmes. Ainsi qu'avec les personnes bien en contact avec leurs sensations corporelles et leurs émotions."  

 

Enfin, conclut-elle, "pour être sûr de tomber sur un praticien fiable, mieux vaut se référer au listing d'EMDR France. Et préférer des thérapeutes psychologues, psychiatres ou titulaires du CEP (certificat européen de psychothérapie)." 

 

Article relayé par rédaction de lexpress.fr

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